Perfectionnisme : l’être sans en être envahi

Le perfectionnisme est souvent vus par mes patients comme une qualité. Hommes comme femmes, petits comme grands, tous ont cette conception que le perfectionnisme est un atout majeur dans leur quotidien et ils n’ont pas tout à fait tort de le penser.

Après tout, comment ne peut-on pas apprécier ce moteur qui nous pousse tout le temps à devenir le meilleur de nous-mêmes ? Pourtant, le perfectionnisme est un peu comme une rose : agréable à regarder s’opérer en nous mais couvert d’épines alors attention !

Je suis consciencieux ou perfectionniste ?

Le perfectionnisme recouvre un principe simple qui est un idéal impossible à atteindre. Voici quelques pistes pour vous aider :

  • La personne consciencieuse se fixe des objectifs ambitieux mais atteignables. Elle sait équilibrer ses efforts et définir ses priorités tout en portant une attention particulière aux détails importants. Cette personne reste adaptable et ajuste ses attentes en fonction des circonstances ou de l’importance de la tâche. Elle est capable de s’auto-évaluer, reconnaît ses erreurs, et s’efforce de les corriger. Elle trouve du plaisir et de la satisfaction dans l’accomplissement de ses projets et la réalisation de ses objectifs personnels. Elle envisage l’avenir de manière réaliste et anticipe les difficultés, en mettant en œuvre des solutions lorsqu’elles se présentent.
  • Une personne perfectionniste se fixe des standards d’excellence extrêmement élevés, souvent inaccessibles. Elle a du mal à réguler ses efforts, s’investissant de manière excessive dans des tâches de moindre importance, parfois au détriment de priorités plus essentielles. Pour elle, chaque détail est aussi crucial que l’ensemble, et elle reste rigide dans ses méthodes et priorités. Travailler en équipe ou déléguer peut s’avérer difficile pour elle, car elle doute fréquemment de ses capacités et peine à accepter ses propres limites et imperfections. Sa valeur personnelle est étroitement liée à ses réussites, ce qui la pousse à se juger durement et à mal tolérer la critique. La moindre erreur est perçue comme un échec cuisant. Ce constant sentiment d’insatisfaction la conduit souvent à ressentir de l’anxiété, de la honte et de la culpabilité, tout en craignant l’échec et appréhendant l’avenir.

Vous l’aurez compris, tout est une question de dosage !

Qu’est-ce qui pousse une personne à devenir perfectionniste ?

Le perfectionnisme semble se développer sous l’influence de trois facteurs : les aspects génétiques, les influences familiales et les contextes culturels (Flett, G. L., & Hewitt, P. L. , 2002 ; Hewitt, P. L., Flett, G. L., & Mikail, S. F., 2017). De nombreuses études suggèrent que des traits de personnalité, comme le perfectionnisme, sont en partie héritables. De plus, nous naissons avec un tempérament, et certaines personnes semblent plus enclines que d’autres à manifester des comportements perfectionnistes. Cependant, ces tendances innées sont ensuite façonnées par notre environnement et nos expériences de vie.

Souvent, les perfectionnistes ont grandi dans des familles où les parents fixaient des standards extrêmement élevés. Ces parents peuvent, consciemment ou non, transmettre leurs attentes rigoureuses par leur discours ou leur attitude. Les enfants élevés dans de tels environnements développent fréquemment la peur de décevoir ou de ne pas être à la hauteur, croyant parfois que l’amour de leurs parents dépend de leur réussite ou de leurs performances.

Enfin, il est indéniable que nous vivons dans une culture qui célèbre et valorise l’excellence. Les performances exceptionnelles sont acclamées dans les événements sportifs, les festivals de cinéma ou les remises de prix diffusées mondialement. Nous idolâtrons les réalisations remarquables et, dans le milieu scolaire/pro, le succès est souvent souligné et récompensé. Cependant, bien qu’il soit essentiel de reconnaître les efforts et les accomplissements, il est également crucial de s’interroger sur les impacts de cette pression constante pour exceller et les défis que cela peut poser pour le bien-être des individus.

En résumé, le tempérament est un terreau fertile aux facteurs mentionnés mais il s’agit bien de combinaisons complexes qui permettent de faire pousser ce type de trait perfectionniste !

Les effets négatifs du perfectionnisme

La quête incessante de perfection peut avoir des conséquences désastreuses. Des problèmes de santé sont fréquents, les perfectionnistes étant souvent sujets à des symptômes dépressifs. Ils peuvent perdre tout intérêt pour les interactions sociales, se retirer des autres et ne jamais se sentir satisfaits. Leur confiance en soi reste faible, car ils ne parviennent pas à atteindre leurs objectifs irréalistes. Le perfectionnisme être un facteur de comorbidité avec le syndrome de l’imposteur et bien d’autres problématiques. C’est d’ailleurs un facteur de risque dans le burn-out parental.

Les perfectionnistes souffrent souvent d’une forte anxiété, ce qui perturbe leur concentration et leur mémoire. Cela rend les études plus laborieuses et moins productives, et nombre d’entre eux procrastinent ou, à l’opposé, se surinvestissent sans pouvoir se concentrer efficacement. Il s’agit d’un cercle vicieux pervers.

Lorsqu’ils réalisent que leurs performances ne seront jamais à la hauteur de leurs attentes élevées, les perfectionnistes peuvent réagir par la frustration, la colère, la dépression, ou même des crises de panique.

Comment atténuer son côté perfectionniste?

Je ne dis jamais « arrêter d’être perfectionniste ». Pourquoi ? Parce que comme le perfectionnisme est votre moteur, donner une liste pour vous aider à vous en débarrasser n’est vraiment pas une bonne idée ! Vous allez, à la fois vouloir tenter mais à la fois saboter ces tentatives par peur qu’elles n’effacent ce gros moteur puissant qui vous a également aider à accomplir bien des choses !

En reprenant l’image de la plante, j’explique personnellement à mes patients qu’on ne retire pas ce terreau fertile. Le tempérament ne se choisit pas et donc, ne se modifie pas (donc pas de panique, vous serez « toujours » très consciencieux) ! Par contre, il est possible de baliser ces chemins sinueux que l’on emprunte lorsque le perfectionnisme prend le dessus . On peut se fixer des « attention ! », des stratégies pour éviter de glisser dans ces cercles vicieux. Modifier les comportements perfectionnistes peut être difficile, mais certaines stratégies peuvent y aider.

  1. Prendre conscience des effets nocifs du perfectionnisme
    Pour changer, il est essentiel de reconnaître l’impact négatif de la quête de perfection. En dressant une liste des avantages et inconvénients, on se rend souvent compte que le perfectionnisme coûte beaucoup plus qu’il ne rapporte.
  2. Remettre en question ses valeurs
    Les perfectionnistes lient souvent leur valeur personnelle à leurs accomplissements. Pourtant, il est crucial de comprendre que l’échec ne diminue pas leur valeur en tant qu’individu.
  3. Adopter un mode de pensée plus flexible
    Le perfectionnisme repose souvent sur des pensées rigides et extrêmes, comme « tout ou rien ». Remplacer ces idées par des pensées plus nuancées peut être bénéfique.
  4. Fixer des objectifs réalistes et ajustables
    Se donner des objectifs atteignables aide à réduire l’anxiété et augmente la confiance en soi. Adopter une approche progressive dans la réalisation des tâches peut rendre le travail plus productif.
  5. Établir des priorités
    Les perfectionnistes consacrent souvent un temps disproportionné à des tâches insignifiantes. Établir un ordre de priorités permet de mieux gérer son temps et de doser ses efforts de manière appropriée.
  6. Apprécier le sens de l’effort
    Il est important de reconnaître que même les personnes qui réussissent fournissent beaucoup d’efforts. Valoriser le travail accompli peut remplacer l’obsession d’être parfait.
  7. Reconnaître les signes de danger
    Rester vigilant face aux signes d’épuisement, d’anxiété ou de frustration permet de rectifier ses attentes avant qu’elles ne deviennent ingérables.
  8. Apprendre à savourer le plaisir
    Il est essentiel de faire des choses pour le plaisir et non uniquement pour la performance. Cela permet de cultiver un bien-être durable.
  9. Apprendre de ses erreurs
    Les erreurs sont inévitables et nécessaires pour grandir. S’accorder le droit de se tromper et tirer des leçons de ces expériences est crucial.

Conclusion

Favoriser la compétence et l’équilibre personnel plutôt que la perfection est essentiel pour un épanouissement sain. Les individus qui valorisent un travail bien fait tout en maintenant un bon équilibre physique et mental sont mieux préparés à devenir des professionnels épanouis et compétents.